Covid-19 / Premières décisions judiciaires condamnant l’employeur à l’évaluation des risques physiques et psychiques en lien avec le virus
Ont été rendues les premières décisions judiciaires condamnant l’employeur à l’évaluation des risques physiques et psychiques en lien avec le Covid-19.
La gravité et l’urgence de la crise sanitaire ne permettent pas d’occulter les responsabilités civile et pénale de l’employeur. Ce dernier ne peut donc s’absoudre de son obligation légale de sécurité de résultat en raison de la singularité du contexte ou en tentant de justifier son impossibilité à y répondre en raison du déficit des moyens susceptibles de sécuriser les conditions de travail, et ce quel que soit l’environnement de travail.
Tels sont les enseignements des 3 ordonnances de référés rendues en avril par les tribunaux judiciaires suite à la déclaration d’état d’urgence sanitaire en raison de l’épidémie de Covid-19 :
- Ord. réf. TJ Lille, 3 avr. 2020, n°20/00380, ADAR Flandre Métropole (Aide à domicile)
Le tribunal judiciaire de Lille a précisé les obligâtions de prévention du Covid-19, en rappelant les règles liées à l’information et à la diffusion des consignes relatives aux conditions d’intervention et à l’emploi des équipements de protection individuelle de manière uniforme et systématique. Le tribunal a également rappelé le devoir de sécurité pesant sur les salariés, en ce qu’ils doivent respecter les règles de prévention, et le fait que l’employeur doit en vérifier la bonne exécution.
- Ord. réf. TJ Paris, 9 avr. 2020, n°20/52223, SA La Poste
Dans la même logique, le tribunal judiciaire de Paris vient préciser les obligations de la Sa La Poste, lesquelles doivent spécifiquement prendre en consi- dération la crise épidémique qui sévit ac- tuellement. L’ordonnance rappelle que l’employeur est tenu de respecter, quelles que soient les circonstances, l’obligation de sécurité de résultat tant à l’égard de la santé physique que de la santé psychique de ses collaborateurs.
Dans cette affaire la Fédération Sud des activités Postales et des Télécommunications soumettait plusieurs demandes au tribunal judiciaire, et notamment :
• une demande d’évaluation des risques professionnels liés au Covid-19, au regard des principes énumérés par l’article L. 4121-2 du Code du travail sur l’ensemble du territoire et au niveau des branches d’activités ;
• l’évaluation des risques psychosociaux subséquentsuu aux mesures prises pour lutter contre l’épidémie.
- Ord. réf. TJ Nanterre, 14 avr. 2020, n°20/005053, SAS Amazon France Logistique (ordonnance confirmée en appel, avec cependant réduction significative du montant de l’astreinte > CA Versailles, 24 avril 2020, arrêt n°20/01993)
Le tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné à la filiale française de la Société amazon de « restreindre l’activité de ses entrepôts aux seules activités de réception des marchandises, de préparation et d’expédition des commandes de produits alimentaires, de produits d’hygiène et de produits médicaux, sous astreinte, de 1.000.000 euros par jour de retard et par infraction constatée », dans les « 24 heures de la notification de cette décision ». La Société amazon est donc contrainte d’appliquer cette décision prononcée sous astreinte, nonobstant l’appel qu’elle a interjeté, dans l’attente de « l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de Co- vid-19 sur l’ensemble de ses entrepôts ainsi qu’à la mise en œuvre des mesures prévues à l’article L. 4121-1 du Code du travail », en y associant les représentants du personnel, et pendant « une durée maximum d’un mois ».
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Les conséquences de cette situation inédite liée au Covid-19 doivent obliger l’employeur à prendre de nouveaux éléments en considération tels que la dangerosité qui résulte de certaines tâches, la mise en place de moyens contraignants comme le confinement ou le télétravail.
Tous ces facteurs pouvant avoir des répercussions sur la santé du travailleur, l’employeur se doit de les prendre en compte s’il veut respecter son obligation de prévention des risques professionnels.
En ce sens, le juge des référés peut le contraindre à procéder à une évaluation complète des risques professionnels, y compris des risques psycho-sociaux et peut ordonner la prise de mesures immédiates.
La simple observation des recommandations ministérielles sur les gestes barrières ne suffisent pas, à eux seuls, à répondre aux obligations légales et une démarche préventive « sur mesure » en fonction de la nature et de la spécificité de l’activité de chaque entreprise doit donc être menée.